Rugby Kids, les enfants du paradis

23/12/2024
La famille Écoles de rugby fait partie intégrante du dispositif autour de chaque sortie du XV de France. Grâce à l’opération Rugby Kids, les joueurs ont été accompagnés tout l’automne à leur entrée sur le terrain par une escorte d’enfants d’une école de rugby sélectionnée. Quelques minutes sur la pelouse du Stade de France suffisent à forger un souvenir pour la vie.

Jeudi 21 novembre, fin de journée dans ce coin de Seine-et-Marne. Un à un, les téléphones sonnent chez 24 membres de l’école de rugby du club de Gretz-Tournan-Ozoir Rugby 77 (GTOR 77) pour un cadeau de Noël avant l’heure. En visio, sa responsable, Magali Aroussi, est encore touchée par les réactions spontanées des Rugby Kids du lendemain, au Stade de France  : « Certains étaient fous de joie, d’autres sidérés, d’autres ont pleuré, de joie bien sûr. J’ai failli pleurer moi-même quand j’ai appris la nouvelle », s’émeut-elle devant le vestiaire où sa jeune troupe est mélangée à celle du club de l’Union des Bords de Marne (UBM) (Val-de-Marne).

Le vacarme qui en émane contient toute l’excitation des jeunes, mais Florine Bourdieu, chargée de communication interne à la FFR, et son équipe gèrent leur effectif du jour avec un calme olympien (voir encadré). « Il faut comprendre les enfants. Dans une poignée d’heures, ils vont vivre un moment exaltant qui restera gravé à vie en chantant LaMarseillaise aux côtés de leurs idoles du XV de France devant près de 70 000 personnes. Ça peut quand même mettre une petite pression », s’amuse-t-elle. « Je suis déjà venu au Stade de France, pour un autre France-Argentine (novembre 2021), admet Noa de l’UBM, promu porte-drapeau de la France, mais là, j’ai un peu peur. » Son homologue pour les Pumas n’oserait bouder son plaisir. « C’est incroyable d’être porte-drapeau d’une nation avant un match », glisse Joshua, du GTOR 77.

Profiter pleinement de ces quelques minutes uniques dans une coursive de la plus grande enceinte du pays, immenses étendards à la main, les deux M12 désignés porte-drapeau s’installent en tête d’une colonne séparée en deux pour la deuxième fois de la journée. Après une première répétition sur le terrain annexe, la pression monte d’un cran avec la seconde, in situ. L’attente dans le tunnel, le stade plongé dans le noir, le speaker qui annonce l’entrée des équipes. Et puis les hymnes, enfin La Marseillaise, entonnée à trente gorges déployées. « On a le droit de la chanter même si on est avec l’Argentine ? » demande, un brin inquiet, un Rugby Kid.

Oui, il a le droit. Il a quelques devoirs aussi, lors de l’entrée sur la pelouse et de la sortie notamment. L’autre règle était de profiter pleinement de ces quelques minutes uniques. « Ils ne se rendaient pas compte, surtout avec ces shows incroyables cet automne,retrace Valérie Duclos, responsable de l’EDR de l’UBM. Les cœurs palpitaient fort, ils ont été très impressionnés par le bruit et les vibrations dans le couloir en attendant les joueurs. Ils étaient préparés grâce aux deux répétitions mais là, ça ne rigolait plus  ! Ils sont passés par plein d’émotions  : la peur de ne pas bien faire, l’excitation puis, quand les joueurs sont arrivés, ils ont eu du mal à réaliser. D’ailleurs, ils ne sont toujours pas redescendus de leur petit nuage. »

Profiter pleinement de ces quelques minutes uniques

Valérie Duclos a généreusement laissé sa place à trois éducateurs (Hugo Chosson, Julien Ribère, Nicolas Boukaya) pour escorter les enfants au Stade de France. En plus d’essayer de contenir leur turbulente bande, ils ont la charge d’alimenter le groupe WhatsApp pour que parents et dirigeants puissent suivre pas à pas cette journée pas comme les autres. Avec une centaine de licenciés à l’école de rugby, la sélection n’a pas été facile. L’envoi d’une photo pour participer au concours qu’ils ont remporté et les critères de taille ont fait un premier tri.

« Ça n’a pas été difficile de trouver les autres candidats. On a assumé nos choix, on les a expliqués aux parents, il n’y a eu aucun problème », souligne Valérie Duclos. Son homologue de Seine-et-Marne, a, elle, pioché parmi « les plus anciens et assidus ». Elle a aussi choisi de retarder l’annonce au maximum. « Nous, ça faisait trois semaines qu’on le savait, tout était ficelé avec les parents des enfants concernés, soutient Magali Aroussi, depuis sept ans à la tête de son école de rugby. Ils sont difficilement tenables aujourd’hui, mais nous aussi. C’est normal, c’est quand même une journée exceptionnelle. » Du côté des Bords de Marne, l’enthousiasme n’était toujours pas retombé cinq jours plus tard. « Ils n’ont toujours pas touché le sol, conclut la dirigeante. Un des enfants ne voulait pas que sa mère lui lave la main, ils sont presque tous allés à l’école le lundi avec le sweat qu’ils arboraient sur le terrain. »

Et puis, un des moments phares, La Marseillaise chantée à pleins poumons lors du match.« Mais certains n’arrêtent pas de la chanter. J’ai une mère qui n’en peut plus (rires). D’autres avaient même potassé l’hymne argentin. Ils sont bien conscients d’avoir vécu un moment incroyable », se réjouit la dirigeante. Ces deux clubs, les quatre autres qui ont vécu l’expérience Rugby Kids cet automne et des centaines d’autres sont déjà à l’affût des désignations de leurs successeurs pour le Tournoi des 6 Nations.

Un Coeur à l’ouvrage

Chargé de communication interne à la FFR, Florian Bourdieu est aussi responsable des Rugby Kids depuis cette année. Avec un groupe de 24 jeunes à gérer et un timing serré à respecter, le rythme est intense. L’enchaînement des trois dates est un beau challenge pour un public peu habitué. Le défi est de garder les enfants concentrés tout en faisant respecter les consignes. Avec l’aide de deux Volontaires, de Nathalie Roualec de la FFR (chargée de mission Communication numérique) et trois dirigeants de chaque club, elle orchestre la journée truffée d’anecdotes. « Il y a souvent des questions rigolotes, parfois complètement hors contexte. Il y a aussi parfois beaucoup de stress et quelques pleurs. Mais ça se passe toujours bien. En sortant du terrain, j’entends souvent  : “C’est le plus beau jour de ma vie”. »