Rugby Amateur : Le Bouclier au sommet

05/08/2024
De manière générale, c’est une tradition pour les clubs champions de France de présenter le bouclier un peu partout dans sa région. En pays catalan, le Bouclier fraîchement remporté a gravité au sommet de la montagne « sacrée » du Canigou. Les féminines d’Argelès-sur-Mer, championnes de rugby à 5 en 2023, n’ont pas dérogé à la règle. Et même bien plus…

La fin de saison est souvent synonyme pour les équipes qui ont remporté un trophée de passer du bon temps ensemble, mais jamais sans le Bouclier fièrement décroché. C’est le cas de l’Étoile Sportive Catalane (l’ESC) et de sa section féminine de rugby à 5 championne de France 2023. Les Xipotères (celles qui bavardent en catalan) avaient prévu de grimper durant l’été au sommet pyrénéen du Canigou, symbole majeur du Pays catalan, avec le trophée.

Comme d’autres équipes avant elles, les Argelésiennes avaient relevé le défi de se hisser sur le toit du département, une épreuve certes physique mais aussi mentale, lors de l’intersaison. Déjà fortes d’une expérience en 2022, les joueuses étaient parties la première fois en simple randonnée, passant par le refuge des Cortalets. La deuxième fois fut plus physique pour elles, cette fois-ci chargées d’un porte-planxot (Bouclier en catalan). Avec le Bouclier, les Xipotères ont emprunté le chemin de Mariailles, dit « de la Cheminée ». « Ce versant est beaucoup plus dur, souligne Anne Serres-Cousiné, joueuse et sœur d’Alice, joueuse également. Même si nous sommes toutes sportives, en plus du rugby, on a mis près de 7 heures pour monter. On s’est arrêtées dormir au refuge au retour et, pour la petite histoire, on n’a bu qu’une petite bière avant de toutes s’endormir ! » Mais ici aussi, comme sur les terrains, la solidarité œuvre.

Pour relever ce défi, il a fallu confectionner une sorte de porte-bagages à partir d’un porte-bébé et quelques tendeurs. Ainsi, à tour de rôle, les championnes se passent le bout de bois, qui pèse quand même son poids (environ 15 kg). De même, lors de certains passages aux pentes raides, les rugbywomen ayant le vertige se font assister par les autres. Surtout, une fois passés les vaches et les isards et que les oiseaux volent « en dessous de vous », place à la célèbre croix en fer forgé juchant les 2 785 m du pic et décorée par les randonneurs téméraires.

La vue, la joie de l’objectif atteint entre amies et les sourires émerveillent habituées ou néophytes comme Emma Peytavi, sœur de Mathilde, salariée de l’ESC sur la partie encadrement et arbitre de très haut niveau de tennis par ailleurs : « Notre aventure et notre groupe de copines sont extraordinaires, glisse-t-elle. C’est important et émouvant de respecter cette tradition d’arriver toutes ensemble au sommet de ce Canigou cher à notre cœur. Quand on aperçoit la croix sur le pic, c’est magique. Et depuis, chaque jour où on le voit depuis Argelès, on y repense. »

À l’origine de cette idée mémorable qui devrait se répéter à chaque titre, il y a la volonté des membres de l’équipe d’emporter partout ce bout de bois. Une véritable tournée du Bouclier. En dehors de ce moment d’ascension, les joueuses le font voyager dans tout le 66. Évidemment, chacune d’entre elles a le droit de le rapporter à la maison, de le présenter à ses proches. Ces Catalanes l’emportent aussi aux plages d’Argelès, dont le célèbre Racou, aux ferias locales de Céret ou à leur QG tenu par Fabien Sanz (joueur à 5 mixte et époux de Julie), le Garden Bar.

Avant le Canigou, le Bouclier a aussi été promené, en randonnée, aux tours de la Massane (sommet dominant Argelès-sur-Mer au loin et haut de 800 m) et Madeloc (652 m). Enfin, « le Canigou est arrivé en fin d’été, telle une fin de tournée estivale s’achevant par notre graal, se remémore Anne Serres-Cousiné. Cela a aussi lancé la saison suivante par un week-end fédérateur et physiquement préparateur. Cela nous tenait à cœur ».

Les réactions des randonneurs, des festayres, d’autres champions complices avec leur trophée ou de vacanciers croisés lors de cette fameuse tournée Bouclier sous le bras ont été teintées de surprise. Et des sommets du département aux altitudes les plus basses, il n’y a qu’un pas pour ces Argelésiennes et leur Bouclier. Et leur saison se poursuit l’été !

Par l’entremise des tournois de Beach Rugby, les Xipotères poursuivent leur passion quasiment durant 365 jours. Cette saison, les tournois de Valras, Gruissan ou Canet sont ciblés. En tête, l’espoir de réaliser de bons résultats aussi pour se qualifier pour les championnats de France (l’an passé à Mimizan). « On y avait fini 3es l’an dernier et cette saison, on espère gagner et faire le doublé », s’enthousiasme Emma Peytavi. Ce bel été passé viendra la rentrée ; ces joueuses sont pour la plupart mères de famille mais aussi bénévoles auprès de l’école de rugby. Ces rugbywomen pourront alors se remettre à cette quête du Bouclier tant désiré.

ÉTOILE SPORTIVE CATALANE