Rugby Amateur : Au nom du Bouclier !

06/08/2024
C’est forcément un moment inoubliable dans une carrière, où les émotions sont décuplées par l’enjeu. C’est aussi l’heure d’une dernière communion avec ses coéquipiers pour la vie et les supporters. C’est enfin un souvenir qui restera gravé à vie, comme le nom du club vain-queur sur le Bouclier. Retour sur un glorieux printemps de finales de rugby à XV amateur, où le cœur de l’ovalie française prend son pouls.

De toutes les levées de Bouclier de ce printemps 2024, celle des joueurs de Corbières XV fut sans doute la plus intense en émotions fortes. Sur la pelouse du stade Fernand-Lapalu de L’Isle-Jourdain (Gers), les Audois ne savaient plus trop si leurs larmes étaient de joie, de tristesse ou, plus sûrement, un mélange détonant des deux. Le souvenir terrassant du décès du coach des trois-quarts et ancienne gloire du RC Narbonne, Cédric Rosalen, le 9 janvier dernier à 43 ans d’une embolie pulmonaire, était dans toutes les pensées des nouveaux champions de France de Régionale 1. « Quand Cédric est parti beaucoup trop tôt, on s’était promis d’aller chercher ce Bouclier pour lui, susurrait Sébastien Regy, l’entraîneur de cette troupe à l’appétit insatiable. Dans les moments durs, il était encore avec nous. Cela étant, on ne se lasse jamais de soulever un Bou-clier. Si ça peut continuer chaque saison, ce sera parfait. » Promue au printemps 2023 en Régionale 1, son équipe a glané dans le Gers son deuxième titre national en un an pour accéder à la Fédérale 3.

Cédric Rosalen avait fait encore mieux la saison dernière. Également consultant pour le jeu au pied de Valence Romans Drôme Rugby, champion de Nationale, lui avait soulevé deux Boucliers en moins d’un mois. Son père, Alain, avait des trémolos dans la voix au moment d’évoquer la mémoire de son fils. « Cédric aurait adoré la qualité de cette finale, assure-t-il. C’est pour lui que le club a joué, ne cessant de lui rendre hommage, jusqu’à m’offrir le mini-bouclier de cette finale pour le mettre dans sa chambre. Cette solidarité toute rugby nous a fait chaud au cœur et me réconforte dans la douleur qu’on a vécue. »

Des scènes de liesse collective ou de détresse commune

Des regards rougis de bonheur ou par un accablement passager, des scènes de liesse collective ou de détresse commune, chaque coup de sifflet final a libéré des émotions souvent uniques dans une vie. Elles ont été partagées dans des rondes enivrantes et des refrains braillés à l’unisson. « Oh lé lé, oh là là, mais qu’est-ce qui s’est passé, on est champions de France » est devenu le tube du printemps ovale. Si ça ne rime pas, la poésie aura laissé sa place pendant quelques heures à l’expression la plus pure du bonheur d’une équipe et de tous ses supporters, un verre dans la main, un Bouclier pour la vie dans l’autre.

Car les souvenirs forgés durant ces jours de finale amateur sont éternels, même pour un ancien joueur de Top 14 comme le pilier du Servette Genève Damien Jourdain. Il disputait à Agde (Hérault) le dernier match de sa carrière, onze ans après avoir connu pareille gloire avec l’US Bressane, championne de Fédérale 1 en 2013 : « Que d’émotions ! Quand on finit sur un titre et après une telle saison avec mes coéquipiers, c’est humainement énorme. Malgré tout ce que j’ai vécu dans ma carrière, les émotions sont décuplées. » À 37 ans, il a l’âge moyen de l’équipe du rassemblement de l’Ovale Club de Phalempin et de l’Olympique Marcq-en-Baroeul, une joyeuse bande de grognards nordistes finaliste malheureuse du dernier duel de Régionale 3, mais tellement heureuse d’avoir pu vivre ensemble ces moments-là.

À Bourgoin lors de la grande journée des finales féminines, les petites histoires se mêlent à la grande avec sept Boucliers en jeu, une journée particulière aussi pour les arbitres, comme le raconte la jeune officielle Clémence Curnot. Chaque joueuse, chaque joueur présent sur une des 28 finales de rugby à XV amateur 2024 a convoité le célèbre bout de bois. Lui commence une nouvelle épopée de neuf mois quand son nouveau propriétaire la termine avant de repartir en conquête.

Un éternel recommencement. Vivement le printemps prochain.