Mise à jour : Demba Bamba
17/12/2020Opéré d’une hernie cervicale début juin, Demba Bamba était quand même dans l’avion du XV de France pour la Coupe du monde au Japon. La cuisse touchée et la mort dans l’âme, il en est revenu au lendemain du succès fondateur sur l’Argentine, qu’il a entamé à droite de la première ligne. Arrivé plus tôt que prévu dans son nouveau club du LOU, il y impose déjà ses qualités physiques et son implication dans le jeu courant. Demba Bamba n’a que 21 ans, mais déjà un début de carrière bien rempli. Il se souvient de ses débuts en Bleu, d’un titre de champion du monde et dévoile son petit hall of fame personnel.
Connais-tu ton numéro d’international ?
Oui, 1126.
Sais-tu qui est l’international qui te suit ?
Je dirais Grégory Alldritt ou Romain Ntamack (NDLR : C’est en fait Julien Marchand).
Que faisais-tu lorsque tu as appris que tu étais convoqué avec le XV de France (le 17 octobre 2018) ?
J’étais à Paris, j’avais quelques jours de repos pour voir ma famille. Ce jour-là, j’étais invité sur RMC. J’ai appris la nouvelle juste avant d’arriver là-bas. J’étais super content. J’avais cette interview à faire alors que tout ce que je souhaitais, c’était rejoindre ma famille pour célébrer ça avec eux. Je me souviendrai de ce moment toute ma vie. Je ne voulais pas y croire tant que je n’avais pas entendu mon nom officiellement dans la liste. Cette sélection prouvait que je n’étais plus n’importe qui dans ce sport et qu’on s’intéressait à moi.
Tu as pris le risque de rester en Pro D2 l’an dernier. Était-ce la bonne décision ?
Oui, je le pense. En tout cas, je ne le regrette absolument pas. Je ne serais peut-être pas monté aussi vite en équipe de France si j’étais parti à Lyon cet été-là. Dans ma tête, mon objectif était de jouer un maximum et d’être sélectionné avec les Barbarians. Être appelé aussi tôt, aussi vite en équipe de France a été une très belle surprise.
Sais-tu combien de joueurs de Pro D2 ont été appelés en équipe de France ?
Je pense qu’on n’est que deux dans l’ère moderne avec le pilier d’Auch Franck Montanella (une sélection lors de la tournée en Nouvelle-Zélande 2007). Je crois qu’il y a eu aussi Amédée Domenech, un autre Briviste (NDLR : Demba Bamba est en fait le 9 e joueur de Pro D2 à être appelé. Il y a eu notamment Jacques Fouroux en 1977, Alain Lorieux et Patrick Estève en 1987 ou Laurent Seigne en 1993, qui évoluaient alors en groupe B, soit le 2 e niveau national).
Le jour de cette convocation, tu disais ne pas réaliser…
Et je n’ai réalisé qu’une fois sur le terrain contre les Fidji au Stade de France ! Je voulais prouver que j’étais bon, surtout avec ma famille dans les tribunes. C’est aussi grâce à eux que j’en suis arrivé là. J’ai essayé de ne pas me mettre trop de pression et de faire ce que je sais bien faire sur un terrain.
Cette sélection concluait une année 2018 riche après le Mondial U20. Que reste-t-il aujourd’hui de cette aventure ?
Des amis ! J’en ai recroisé quelques-uns sur les terrains et Romain [Ntamack] en équipe de France. À chaque fois que je les revois, on replonge direct dans cette Coupe du monde. À Narbonne, on était dans un domaine sans réseau wifi. Ça nous a permis de créer du lien, on était toujours ensemble. Je ne voulais pas quitter le groupe.
Comment as-tu vécu leur deuxième sacre consécutif en Argentine ?
J’ai bien sûr regardé tous les matches et je leur ai envoyé des messages en rappelant que ce sont des souvenirs pour la vie et qu’on n’aura peut-être jamais la chance de revivre un événement comme ça.
Cette aventure avec les U20 a donc été primordiale pour toi…
Oui, j’ai eu un déclic quand le coach [Sébastien Piqueronies] est venu me voir pour me dire que j’avais des chances d’être dans la liste pour préparer le Six Nations. Je me suis donc préparé comme un fou. C’est devenu une obsession : je voulais confirmer les bonnes choses qu’on pensait de moi. Après six matches, Brive m’a proposé un contrat. Je ne sais pas pourquoi j’étais obnubilé par les U20, c’était mon graal, je devais vivre ça.
Qu’est-ce qui t’a le plus impressionné lors de tes débuts en équipe de France ?
Le rythme. Ça courait de partout ; dès le début, j’ai voulu tout donner. Après cinq minutes, j’avais le capot ouvert ! J’avais fait monter le cardio quand même un peu trop rapidement et la fin de match avait été compliquée… Malgré le résultat (14-21), c’est un match qui m’a servi. Je pense que les coachs ont fait les choses dans l’ordre en ne me faisant jouer qu’une demi-heure lors du troisième et dernier match de la Tournée d’automne.
Comment as-tu vécu ta première Marseillaise ?
C’était un truc de fou, devant ma famille, une fierté. Tout le monde était content. C’est dommage que la soirée se soit achevée par cette défaite face aux Fidji.
Avec qui partageais-tu ta chambre au CNR ?
J’étais tout seul. On était en nombre impair et j’étais le seul de Brive. Du coup, j’étais tout seul. Et ce n’est pas du tout parce que je ronfle !
À quoi attribues-tu tes qualités physiques naturelles ?
J’ai toujours aimé le sport. J’ai commencé tôt même si mes parents n’avaient pas trop cette culture du sport. La mairie organisait beaucoup d’événements sportifs, on avait un gymnase à 500 m et on jouait au hand avec tous mes potes. Depuis petit, on me surnomme « Mike Tyson ». Les anciens me demandaient de faire des pompes et j’essayais toujours de battre mon record. J’avais réussi à atteindre le cap des 100 vers 12 ou 13 ans. La musculation, je n’étais pas fan au début mais quand tu vois les résultats, tu apprends à aimer ça. Comme j’ai vite eu l’envie de devenir pro, j’ai compris qu’il fallait en passer par là, faire évoluer son corps. Alors je m’envoyais à la salle.
Tu as pratiqué à un très bon niveau le handball et le judo. Le rugby est-il un bon mélange de ces deux disciplines ?
Oui. Il y a ce côté frontal, de face-à-face, de contact direct avec le judo. Au hand, ça tape aussi un peu mais on a aussi besoin de beaucoup d’appuis, de dextérité, de réflexes. Je retrouve un peu tout ça au rugby en plus intense. Et puis au hand, quand on est énervé contre un adversaire, on ne peut pas lui rentrer dedans. Au rugby, quand tu as le ballon, si (rires) ! Quand je suis arrivé à Brive, je voulais prendre également une licence de hand. Mon frère m’en a dissuadé, m’a persuadé de rester concentré sur le rugby. Il avait bien sûr raison.
Comment as-tu progressé en mêlée fermée ?
En Espoirs à Brive, je faisais des belles choses dans le jeu courant mais mon niveau en mêlée ne le permettait pas d’être titulaire. J’ai beaucoup bossé ce secteur. Je devais aussi savoir si je préférais jouer à gauche ou à droite. J’ai préféré jouer à droite. La première année, j’étais remplaçant la plupart des matches alors j’ai beaucoup travaillé durant la préparation physique. Je me réveillais à 7 heures pour faire du cardio avant la muscu. J’ai évolué, perdu trois kilos. J’ai fait de bons matches de préparation, mes meilleurs matches en Espoirs. Ça m’a ouvert la porte de l’équipe première.
Le 3 juin 2019, tu as été opéré d’une hernie cervicale, à deux semaines de la première liste de Jacques Brunel pour le Mondial…
C’était la panique ! On a attendu une semaine et demie avant de décider de l’opération. C’était la meilleure solution. Je n’arrivais pas à dormir la nuit, c’était fatigant et douloureux. J’étais sous cachets, ça allait un peu mieux mais pas assez. J’ai paniqué jusqu’à la fin et puis, j’ai vu mon nom dans la liste. J’étais à Lyon où je faisais ma rééducation, un moment inoubliable.
Cette opération t’a privé de la fin de saison avec Brive, conclue par une accession en Top 14.
Oui. Je manque la finale de Pro D2 contre Bayonne et le barrage d’accession face à Grenoble. J’ai regardé les copains en tribunes. J’ai célébré ça avec eux puis j’ai dû prendre la route : je me faisais opérer le lendemain. Les adieux ont été un peu gâchés. Toute cette période a été un véritable ascenseur émotionnel.
En dehors du Stade de France, quel est ton stade préféré ?
Le Stadium de Brive, le stade de mes débuts et le seul club pour lequel j’ai joué avant cet automne. Mais Twickenham, c’était pas mal quand même. Il y avait une ambiance de fou, 80 000 personnes…
Le joueur le plus fort avec lequel tu as joué en équipe de France ?
Un mec qui m’a impressionné, c’est Grégory [Alldritt]. Quand tu le vois devant toi, tu ne t’aperçois pas de la puissance physique qu’il dégage sur un terrain.
L’adversaire le plus dur que tu as affronté ?
Cian Healy, le pilier gauche irlandais. Vraiment solide.
Ta plus belle victoire en Bleu ?
Contre l’Écosse (27-10, le 23 février 2019), la première en Bleu pour moi. Et j’ai eu la chance d’être sacré homme du match. Malgré ma blessure, je garde bien sûr un souvenir très particulier de notre victoire contre l’Argentine en Coupe du monde.
Le match international qui te laisse le plus de regrets ?
Contre le pays de Galles (19-24, le 1 er février 2019). On domine toute la partie mais on craque et on leur donne le match. J’étais dégoûté.
Qu’as-tu fait de ton premier maillot ?
Je l’ai offert à mon grand frère qui vit à Paris, comme je lui avais offert auparavant mon premier maillot en U20. Le deuxième a été pour mes parents.
Si tu devais garder un seul maillot étranger ?
L’Angleterre, nos meilleurs ennemis. Quand tu les as en face, tu sais qu’il va falloir être au meilleur de ta forme et de ta motivation.
Quelles sont tes trois références françaises à ton poste ?
Christian Califano, Nicolas Mas et Rabah Slimani.
Les anciens Tricolores avec lesquels tu aurais aimé jouer ?
Il y en a eu tellement. Je dirais Yannick Nyanga, j’adorais sa façon de jouer. Quand j’ai commencé, je ne regardais que les 3 es lignes à la télé, vu que je jouais 8.
Quel adversaire aurais-tu aimé affronter ?
Jonah Lomu. Ça devait faire mal à l’impact, mais j’aurais bien aimé le déborder balle en mains. Plus sérieusement, il a marqué l’histoire de notre sport.
Ne gardes-tu que de bons souvenirs de la Corrèze ?
Oui. J’en parlais récemment avec Jeff Poirot et Sébastien Vahaamahina, qui sont aussi passés par là-bas. Tu gardes toujours un lien avec ce club quand tu y es passé.