Mathieu Raynal : « Une décision mûrement réfléchie »
26/03/2024Pourquoi avez-vous pris la décision de mettre fin à votre carrière ?
« J’ai 43 ans et tout ce que je souhaitais faire dans l’arbitrage, je l’ai fait. Trois Coupes du monde, une tournée des Lions Britanniques, le Tournoi des Six Nations, le Rugby Championship … Si je continue, ce ne serait refaire que ce que j’ai déjà fait. J’ai toujours souhaité soigner mon départ en partant avant qu’on me pousse vers la sortie et avant de décliner. Je pense que j’ai gagné la confiance et le respect des joueurs et je ne veux pas abîmer cela en faisant la ou les années de trop. Je pense que c’est le bon moment pour moi d’arrêter, même si c’est une décision difficile parce que j’aime profondément ce que je fais mais il faut savoir laisser la place aux autres et partir au bon moment. »
Une carrière exceptionnelle en chiffres
- 49 matchs de rugby international à ce jour en tant qu’arbitre Emirates World Rugby
- Débuts internationaux avec Malte contre les Pays-Bas en avril 2009
- Treizième arbitre international le plus capé de l’histoire et quatrième Français après Romain Poite (73), Jérôme Garcès (55) et Pascal Gaüzère (52)
- A arbitré sept matchs lors de deux Coupes du Monde de Rugby, dont cinq à France 2023, parmi lesquels le quart de finale entre l’Angleterre et les Fidji
- Trois Coupes du Monde de Rugby au total avec un rôle d’arbitre assistant en 2015
- A arbitré dans huit Tournois des Six Nations et cinq Rugby Championships
- A pris en charge le dernier test de la tournée des British and Irish Lions en Afrique du Sud en 2021
- Il a arbitré deux finales du Top 14 en France (2016, 2021)
Est-ce quelque chose que vous mûrissez depuis longtemps ?
« J’y réfléchis depuis un certain moment mais être arbitre au très haut niveau, défendre ta position, c’est vraiment usant. Il faut toujours travailler dur physiquement, faire beaucoup de sacrifices … À partir du moment où tu sens que tu es moins enclin à faire ces sacrifices, par respect pour les joueurs, je pense qu’il faut te poser la question de savoir si tu dois rester ou partir. J’ai aussi envie de mettre de l’énergie ailleurs, de profiter de ma famille et d’autres choses. Ce n’est pas évident, mais je commence à prendre de l’âge. Ça fait très longtemps que j’arbitre en division professionnelle et c’est légitime à un moment de se poser la question. »
Qu’est-ce que vous garderez de cette aventure ?
Tout … J’ai aimé profondément chaque instant ! La plus grande richesse que je garderai, ce sont les rencontres avec les gens, les joueurs et les staffs, dans tous les pays du monde, au plus haut niveau mondial. C’est une vraie richesse pour moi plus que les évènements en eux-mêmes. Je n’ai jamais considéré que c’était un travail. Je l’ai toujours fait avec beaucoup d’amour et de passion. J’aime profondément mon métier. Il me restera tout, y compris les moments plus compliqués. Ce sont ceux qui m’ont permis aussi d’apprécier avec plus d’intensité les bons moments. Une carrière n’est jamais linéaire, mais en tout cas, je ne changerai pas une virgule à tout ce que j’ai pu vivre.
Joël Jutge, responsable des officiels de match de l’élite masculine de World Rugby
« Je voudrais remercier Mathieu pour tout ce qu’il a fait pour l’avancement de l’arbitrage international. Il a toujours réalisé des performances d’un niveau technique élevé, mais il a également été un excellent coéquipier pour le groupe d’officiels de match, partageant toutes ses connaissances acquises pendant plus d’une décennie au sommet pour aider les officiels de match moins expérimentés à progresser sur la scène mondiale. Notre groupe a toujours apprécié sa force de caractère, ses convictions, son leadership, sans oublier son imparable humour. Il occupait une grande place au sein de notre organisation. Nous sommes certains qu’il a inspiré de jeunes espoirs qui auront à cœur de reprendre le flambeau très prochainement. C’est un homme heureux, et j’en suis ravi, je tiens à lui souhaiter le meilleur pour sa nouvelle aventure. »
Si vous deviez garder un souvenir ?
Je vais en donner trois. D’abord la finale à Barcelone parce que c’est chez moi, que je suis Catalan, c’est un stade dans lequel mon père m’a amené quand j’étais gosse. Un jour, on voulait prendre une photo à la fin de la rencontre et on s’était fait mettre dehors du stade parce qu’on avait voulu rentrer sur la pelouse mais pour ce match, j’ai pu y retourner et y rester pendant 80 minutes (rires). Ensuite, je dirai la finale des Lions britanniques contre l’Afrique du Sud parce que pour moi, c’est le match le plus incroyable de la planète avec la finale de la Coupe du monde. Et enfin, Irlande – All Blacks à Chicago parce que c’était une rencontre extraordinaire. C’est la première fois que les Irlandais battaient les Blacks dans leur histoire. Il y avait une grosse communauté irlandaise, ils étaient 40 000 dans un stade de foot américain. Ça restera vraiment un grand souvenir que j’avais partagé avec Luke Pearce et Ben Whitehouse.
On vous sent apaisé …
Je suis heureux de pouvoir décider de ma sortie, heureux d’être fidèle à ce que j’ai toujours pensé en matière de respect par rapport à ce que les joueurs m’ont donné, ils m’ont accordé beaucoup de confiance et de respect. C’est vraiment une grande richesse pour moi et je ne veux pas abîmer cette confiance et ce respect accordés tout au long de ma carrière. C’est vraiment quelque chose que j’ai toujours souhaité maîtriser. J’ai l’opportunité de le faire. J’ai longuement discuté avec des amis, avec Patrick Arlettaz aussi, parce qu’on est très proches. En prenant les avis des uns et des autres, oui, je dirais que c’est une décision mûrement réfléchie, que j’ai eu le temps d’accepter, même si ça a été dur au début.