Arbitrage : Couple de France !
26/10/2023Ils ont la même passion ovale, le même maillot d’arbitre tous les week-ends et portent également le même nom depuis deux ans. Bérénice et Kevin Bralley se sont rencontrés lors de la réunion mensuelle des arbitres d’Occitanie. Mariés en 2021, ils ont bien planifié leur voyage de noces en Nouvelle-Zélande à l’automne dernier pour être dans les tribunes de l’Eden Park lors du Mondial Féminin. Mais il ne faut pas croire que leur passion commune phagocyte les discussions du foyer, comme l’explique Kevin : « Notre vie ne se résume pas au rugby. On est un couple avant d’être deux arbitres. On dissocie très bien les choses à la maison, le rugby, le travail et la vie privée. »
Même son de cloche chez Bérénice : « Nous ne sommes pas ensemble que pour l’arbitrage ! » Le sujet doit quand même revenir assez souvent sur la table. À 28 ans, Kevin officie en Pro D2 depuis l’année dernière, la suite espérée d’une carrière au sifflet entamée il y a déjà quatorze ans. Sa compagne, benjamine de deux ans, a également escaladé tous les échelons, promue cet été en Fédérale 1 masculine. « On se donne les moyens pour progresser, on verra bien ce qui arrive ensuite », assène-t-elle.
Le 25 juin dernier, à Limoux (Aude), le couple a connu le bonheur inédit d’une feuille de match partagée. Sous le cagnard du stade de l’Aiguille, Kevin, au centre, est alors assisté à la touche de son épouse lors du premier Bouclier de l’histoire du CA Sarlat, soulevé à l’issue d’une farouche bataille face au RC Aubagne en finale de Fédérale 3 (19-13). À quoi doivent-ils ce joli destin ? Kevin Bralley livre la réponse : « J’ai été nommé pour ce match et j’ai eu la chance de pouvoir choisir mes arbitres assistants. Attention, je n’ai pas choisi Bérénice à la touche parce qu’elle est ma femme. Mais dans le département et mon entourage, elle était la personne la mieux placée, tout simplement. Elle sortait d’une saison aboutie, elle était performante. Si elle n’avait pas été au niveau, je ne l’aurais pas choisie. » Et le match s’est très bien passé, comme le confirme Bérénice : « C’est lui qui l’a décidé, mais je n’ai pas émis d’objection (rires). On avait déjà arbitré ensemble, en amical. C’est différent sur un match à enjeu, avec un Bouclier au bout. C’est un très bon souvenir, d’autant que nos familles et quelques copains étaient présents. »
Bérénice est la digne fille de David Loubet, figure totémique du club tarnais de Montredon-Labessonié où elle a débuté à 5 ans. Comme son mari (une commotion pour lui), elle est venue à l’arbitrage à la suite d’une blessure (épaule) à 17 ans alors qu’elle évoluait à Castres. À l’exception de quelques parties en loisirs, aucun des deux n’a plus rejoué au rugby. La passion du sifflet a pris le dessus. « Blessée, j’ai pu franchir le pas mais ça me titillait déjà depuis quelque temps, confie-t-elle. Petit à petit, j’ai laissé tomber le jeu pour l’arbitrage. C’est une très belle façon de continuer à être acteur dans cet univers dans lequel j’ai toujours baigné. »
Un an avant leur expérience commune à Limoux, Kevin a déjà officié sur ce même terrain audois lors de la finale de Fédérale 2 remportée par Caraman face à Millas (13-11). Sur le point de rejoindre le monde professionnel, il apprécie alors l’atmosphère si particulière de ces jours de finales amateurs de fin de printemps : « Ce sont toujours des moments fabuleux avec des villes et des villages qui se déplacent. À ce niveau, tout le monde a l’impression de jouer la finale de Coupe du monde. Toucher un Bouclier, quel que soit le niveau, ça reste unique. Certains ne le feront jamais. Ça reste néanmoins un match de rugby malgré le contexte. L’approche pour nous est la même malgré le fort enjeu. »
En choisissant son épouse pour l’assister fin juin, Kevin a aussi simplifié la préparation du match : « On se connaît, on connaît notre façon d’arbitrer, ça donne des repères. Ça s’est fait naturellement, d’autant que l’autre arbitre assistant est un ami, Simon Adgié, que j’ai formé à l’arbitrage et qui est monté en F2. Il sortait lui aussi d’une grosse saison. On a préparé ce premier match officiel ensemble. »
Des raisons de croire en un brillant avenir dans l’arbitrage
Depuis ce match, les deux jeunes arbitres ont ajouté une nouvelle rencontre à leur album de famille, une nomination en tant que 4 e et 5 e arbitres lors d’un triomphe des Bleues face aux Néo-Zélandaises à Castres (29-7). « Ça nous est arrivé d’occuper ces postes-là sur d’autres matches, convient Kevin, mais là, c’était vraiment chouette de partager ce moment ensemble. » Il garde aussi précieusement en mémoire l’atmosphère autour de ce France-Écosse du dernier du Tournoi, pour lequel il avait été désigné 5ème arbitre. De quoi s’imaginer fouler un jour la prestigieuse pelouse.
Comme son épouse, Kevin a toutes les raisons de croire en un brillant avenir dans l’arbitrage, une ambition accélérée par ses bonnes performances en Pro D2 depuis la saison dernière. « On se donne les moyens pour y arriver, mais ça reste une chance énorme. Beaucoup de gens voudraient être à ma place. Le jeu, l’intensité sont différents, c’est un championnat long, un autre rythme avec des blocs de cinq matches. Tout est plus structuré, il y a l’arbitrage vidéo et les moyens de communication à appréhender, de nouveaux réflexes à acquérir et un vrai travail d’équipe à produire. Je suis content d’avoir pris ce train-là et je mets tout en œuvre pour que tout se passe bien. Mon objectif est d’être meilleur à chaque sortie, continuer à grandir, à progresser. À 28 ans, oui, j’ai des ambitions. »
Bérénice poursuit exactement les mêmes objectifs. « Je ne suis pas de nature stressée, encore moins dans mes loisirs. On est très bien accompagnés, il n’y a aucune raison d’être anxieux. Ma conviction s’est renforcée à chaque niveau passé. Maintenant, c’est sur le terrain que ça se joue », clame la jeune infirmière. « J’ai la chance que ma passion soit aussi devenue un métier à mi-temps. Garder l’équilibre reste très important », conclut Kevin. C’est souvent plus facile à deux.